Anamnèses de la sieste
de Chantal Winter
Son flanc rebondi sous sa robe de jersey rose à roses fushia, sa pose en chien de fusil. Et moi, de même, la tête sur sa grosse fesse gauche.
Pour l’heure de la sieste, avec ma grand-mère. Le jeu après la sieste qui dure : s’approcher du visage à la bouche entr’ouverte, au nez qui gronde. Pleine de précaution décidée, lui soulever une paupière : « Bobonne, tu dors ? »
La sieste d’un dimanche sur deux, en caravane, rangée, heure étiquetée, éternité de perte de temps. Dos au sommeil qui fuit.
S’accorder au grand-père pour la sieste que j’aime, vers cinq heures, sur son divan, sous sa couverture à la laine condensée, jadis vert pomme, maintenant amande sale.
Echappatoire court et gracile au quotidien qu’est la sieste : lourdeur de la tête qui veut ballotter, légèreté de l’esprit qui fuit vers l’enfance.
Sieste cérémoniale : gestes ralentis prévoyant le futur, réglant l’heure du réveil, dédrapant le lit, couvrant le corps, le posant en chien de fusil.
Grains dessous les doigts, chaleur dessous de soi, souffle qui souffle le ressac bleu, jaune sous les paupières baissées. Sieste ventrale.