Rencontre au coin d’une rue
d’Evelyne Gouy
Ils se rencontrent au coin d’une rue dans leur tenue d’apparat. Elle, cheveux plaqués sur la tête, évasés sur le cou, lui cheveux fins et lisses. Elle, courroucée par son retard, lèvres pincées, le regard bleu de colère comme sa peau. Cette peau devient de plus en plus bleutée, se confondant avec le bleu de la nuit tombante.
Lui, auréolé de l’or du soleil de la fin du jour, la regarde. Ses lèvres rouge carmin sont en accord avec son œil droit empourpré, son œil gauche entouré de poudre d’or a l’air absent.
En contre-jour, le contour de son visage se découpe sur le drap du soleil. Le côté gauche englobant l’aile du nez et l’oreille est vêtu de la couleur de son habit de nuit.
La peau bleue de la femme est recouverte d’une robe carmin. L’homme suit avec avidité sa courbure soyeuse qui se coule sur le buste. Il a capté la couleur autour de son œil. Son bras frôle le sein de la femme, mêlant les grains colorés à sa peau. Ses lèvres, un baiser sur le sein, sont gorgées de cette sève.
La peau de l’homme emporte les derniers soubresauts du soleil. Son vêtement composé d’un anneau blanc autour de son cou et d’un rectangle blanc au centre se laisse habiller de noir. La femme se dévêt de sa robe, et bleu nuit s’enfonce dans la ruelle ; au pied de l’homme une tâche rouge, ultime rayon de soleil.
Ce sont le jour et la nuit se disant bonsoir au coin d’une rue.